L'Éléphant Pierre Bergeron (1787 - 18??)

Un éléphant grossier, massif,
Pris d'une passion puissante, impérieuse,
Ou d'un autre instinct non moins vif,
Gagnait, d'un pas lourd et tardif,
Une jungle mystérieuse.
Pesamment, devant lui, tout droit il cheminait,
Et renversait, sur son passage,
Tout obstacle qui le gênait,
Sans s'inquiéter du dommage.
Il allait, il allait, et, sous son large pied,
Plantes , fleurs, tout enfin était rompu, broyé.
Si, moins brutal et moins sauvage,
Il eût pris un chemin frayé,
S'il eût fait un détour, ne trouvant pas de route,
Il n'aurait pas causé tant de dégâts sans doute ;
Mais aveuglément il cédait
À l'appétit qui le guidait.

Tels sont ces gens que l'on voit dans le monde,
Gros d'importance et de fatuité,
Dont l'assuranee ne se fonde
Que sur leur sotte vanité,
Et qui, froissant l'usage, avant eux, respecté,
Aux pieds, sans le savoir, foulent la politesse,
Cette fleur de bon goût et de délicatesse,
Charme de la société.

Fable 42




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