Abd-el-Kader fuyait ; de ce chef intrépide
La phalange se dispersa,
Et, bien loin derrière elle, un colon ramassa
Un fourreau superbe, mais vide.
C'était un vrai chef-d'œuvre, et l'on y remarquait
De magnifiques ciselures
Qu'entouraient de riches moulures,
Par malheur le glaive y manquait.
Notre homme était pourtant tout fier de sa trouvaille,
Comme s'il eut pris part au gain de la bataille,
Et de plaisir il suffoquait.
Quand tout à coup, sortant d'une embuscade.
Deux ou trois Bédouins en retard
Se jettent sur le camarade,
Qui, l'esprit troublé, l'œil hagard,
Ne sait comment parer cette brusque incartade.
-Oh! si j'avais, dit-il, le fer de ce fourreau,
Je me défendrais bien et beau,
Et ne battrais pas la chamade ;
Mais ce brillant, ce riche étui,
Ne peut m'être d'aucun appui.
Que le diable....! il ne peut achever la boutade,
Car déjà les Bédouins ont mis la main sur lui ;
Toute sa résistance est vaine.
On le serre avec un lien,
Et dans le désert on l'entraîne.
Que devint-il ? je n'en sais rien ;
Mais du moins ce que je sais bien,
C'est qu'on trouve, de par le monde,
De fort beaux jeunes gens de nullité profonde ,
Bien qu'avec des dehors musqués, lestes, fringants,
Tels enfin que la vue y peut être trompée ;
Et cependant plus d'un, parmi ces élégants,
Est un beau fourreau sans épée.