Dans un endroit, se croisaient plusieurs routes,
Et là se dressait un poteau
Qui, surmonté d'un écriteau,
Du voyageur éclaircissait les doutes,
Et, lui disant les noms des lieux les plus prochains,
Dirigeait ses pas incertains.
Un colporteur, n'ayant qu'un très mince bagage,
Dont cependant il paraît surchargé,
Arrive en ce lieu même, et, tout découragé
Par la fatigue du voyage,
S'assied près du poteau sur un tertre ombragé,
Peu soucieux d'ailleurs de se remettre en route,
Tant lui plaît le repos qu'il goûte.
« Mais à quoi pense donc cet homme que voilà ?
Certe il n'arrivera pas vite
À son gîte,
S'il reste assis comme il est là. »
Cette réflexion , un peu vive peut-être,
Était d'un jeune enfant qu'accompagnait son maître,
Qui, Mentor attentif, prudent,
- Et pour son Télémaque épuisant l'indulgence,
Ne s'attaquait jamais qu'à son intelligence ;
C'est vous dire en un mot qu'il n'était pas pédant.
« Mon bon ami , lui dit cet homme sage,
Tu fais comme ce voyageur ;
Les longues routes te font peur,
Et comme lui tu perds courage.
Je t'indique avec soin, comme un autre écriteau,
Le chemin un peu long qui mène à la science ;
Si par dégoût ou par insouciance,
Tu t'assieds au pied du poteau,
Te mener jusqu'au but n'est pas en ma puissance. »
Des gens en qui j'ai confiance
M'ont assuré que ce jeune garçon
A profité de la leçon.
En vérité, j'en suis bien aise ;
Car j'en ai vu plus d'un, messieurs, ne vous déplaise,
Qui n'avait pas tant de raison.