La Tourterelle et l'Écho Pierre Duputel (1775 - 1851)

Dans la forêt, jadis témoin de son bonheur,
Une sensible tourterelle
A qui l'avare main d'un perfide oiseleur
Avait ravi le tourtereau fidèle,
Unique objet de son ardeur,
Par ses soupirs le rappelait sans cesse :
L'écho, touché de sa douleur,
Dans les mêmes soupirs exprimait sa tristesse.
Le tendre oiseau séduit par cet accent trompeur,
(Le cœur des malheureux est facile à séduire),
Croit entendre la douce voix
De son tourtereau qui soupire
Et lui répond comme autrefois,
Dans les airs soudain il s'élance,
Les fend d'un vol rapide, attiré vers les lieux
D'où sont partis les sons heureux
Qui le remplissent d'espérance,
Et son aile, trop lente au gré de son désir,
A peine à seconder sa vive impatience.
Il y parvient enfin, palpitant de plaisir...
Mais les plus cruelles alarmes
Lui succèdent bientôt. Remplis des douces larmes,
Que fait couler le sentiment,
Ses yeux, en vain, des bois parcourent l'étendue,
Errent aux environs.... L'auteur de son tourment
Nulle part ne s'offre à sa vue.
Pour concevoir sa peine il faudrait être amant,
Encor n'en aurait- on qu'une image infidelle ;
L'homme, comme la tourterelle,
Ne sait pas aimer constamment.
Celle-ci succombant au chagrin qui l'accable,
Dans un nouveau soupir exhale ses regrets,
Et l'écho fait dans les forêts,
Retentir un soupir semblable.
La même illusion l'abuse plusieurs fois,
Ses recherches sont toujours vaines :
Enfin, de son cœur aux abois,
Le trépas seul put terminer les peines.

C'est ainsi que, jouets d'une flatteuse erreur
Les hommes poursuivent sans cesse
Le vain fantôme du bonheur.
Comme l'écho, sa voix enchanteresse
Qui semble répondre à leurs vœux,
N'est qu'une vapeur infidèle,
Et souvent au moment qu'ils le croient plus près d'eux,
Il s'en éloigne à tire - d'aile.

Fable 16




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