Un de ces fiers Oiseaux, dont la troupe vorace ;
Emblème de nos Partisans,
Gruge la faible populace
Des Oiseaux moins puissants ;
Un Epervier dans une chasse,
Epargna Philomèle en faveur de sa voix.
Ce Tyran aimait la Musique ;
(Elle plaît aux Tyrans, elle plaît aux bons Rois.)
Sa cruauté mélancolique
Avait besoin d'amusement ;
Et le doux Rossignol, par l'accord le plus rare
Et du bémol et du bécarre,
Se faisait un devoir d'être reconnaissant
De n'avoir point garni le buffet du barbare.
Il savait qu'un méchant considère, en effet,
Un mal qu'il ne fait pas comme un vrai bien qu'il fait.
L'Anthropophage ailé, dans son cerveau stupide,
Conçut enfin le projet homicide
De manger son Musicien,
Croyant que ce gosier sonore,
Ce poumon délicat s'incorporant au sien,
Il allait devenir un rival de le Maure.
Mais lorsqu'au chant du tendre Oiseau,
Son ventre sourd eut servi de tombeau,
Il connut trop tard sa sottise :
Ne voyant point changer son dur glapissement,
Le cruel en pleura, non d'attendrissement,
Mais de honte et de sa bêtise.
Te voilà trait pour trait, aveugle Souverain,
Qui te crois enrichir, quand ton adresse attire
Tout l'or de tes Sujets dans ta stérile main :
Tu t'appauvris en eux ; par ce fatal délire,
Il y périt pour toi, pour eux, pour ton Empire.
Dans tes coffres à peine on enferme cet or,
Il s'anéantit, il est mort,
Comme du Rossignol le merveilleux ramage,
Au fond de l'estomac de son bourreau sauvage.
Dans la main des Sujets l'argent a double poids,
Il revient au Monarque augmenté par l'usage ;
La richesse du Peuple est le trésor des Rois.