Un jeune enfant de Philomèle,
Formé par elle-même, à ses leçons fidèle,
Par ses accords mélodieux
Enchantait l'oreille des Dieux.
Les sons toujours nouveaux de sa voix éclatante,,
Légère et pleine tour-à-tour,
Tantôt précipitée, et tantôt languissante,
De tous les Oiseaux d'alentour
Faisaient tout à la fois et l'envie et l'amour.
Surtout une Linotte, auprès de lui nichée,
Était à l'écouter tout le jour attachée.
Quand le Rossignol s'exerçait,
Elle l'applaudissait, dansait, battait de l'aile ;
Et dès qu'il passait devant elle,
Prévenante, elle s'avançait,
Baissait la tête et saluait.
S'il s'en allait chercher sa vie
Dans la plaine ou dans la prairie,
De loin toujours elle suivait,
Regardait s'il l'apercevait,
Resaluait encore avec cérémonie,
Et faisait tant qu'il la priait
De venir quelquefois lui tenir compagnie.
Tout en causant, car en effet
C'est en babillant qu'on se lie,
D'une simple union polie,
De jour en jour entre eux il se formait
Une estime sincère et d'amitié suivie.
La Linotte à la fin, de l'Amphion des bois
Obtint quelques leçons pour embellir sa voix :
Ah! dit-elle, comptez sur ma reconnaissance.
Je croirai vous devoir bien plus qu'à mes parents,
Je ne tiens d'eux que la naissance,
Je tiendrai de vous les talents :
Eux seuls nous font ce que nous sommes,
Eux seuls font le vrai prix des Oiseaux et des Hommes.
Autant que les leçons ce doux propos dura :
Bientôt notre orgueilleuse, à la tête légère,
Se crut assez savante, et fort loin s'en alla
Dans les concerts ailés d'une terre étrangère,
Se faire partout vanité
De ne devoir qu'à soi son mérite et sa gloire ;
Là, de son ingrate mémoire,
Elle bannit son Maître, et ce qu'elle eût été
Sans sa paternelle bonté.
Mais elle vit enfin sa noirceur confondue.
Car pendant le temps de la mue,
Où tout Oiseau devient muet,
Elle ne pouvait plus répéter en secret
La leçon qu'elle avait reçue,
Et bientôt son talent nouveau
Echappa sans retour de son petit cerveau.
Imaginez combien elle fut sotte,
Quand le concert recommença,
De ne se plus trouver que sa voix de Linotte.
D'y revenir chanter, en vain on la pressa ;
Sur un rhume elle s'excusa,
Pour déguiser sa turpitude.
Mais peu de jours après, son Orphée arriva,
Qui publia partout sa lâche ingratitude.
On en fut indigné, d'abord on la hua,
Siffla, berna, honnit et conspua :
On la mit aux arrêts, et puis les preuves faites,
Elle passa par les baguettes';
Chacun fon bec tout exprès aiguisa,
Et sourd à ses clameurs, en riant, la pluma.
Vous, commis par les Dieux pour punir tous les crimes,
Par quel indigne abus, Monarques, Magistrats,
N'est- il pas de supplice encor pour les Ingrats ?
Armez la loi contre eux... Mais trop souvent, hélas !
Vous feriez de la loi les premières victimes.