Fleuve imposant, majestueux,
Des Géants 1 fils altier, superbe,
L'Elbe, comme une immense gerbe,
D'un rocher tombe impétueux.

Écumant en son lit, ce fleuve
Dans le charmant pays du lier Germain s'étend ;
Son onde, en murmurant, dans les prés qu'il abreuve
Lentement se promène, en tous lieux se répand,
Court, fertilise, vivifie,
Unit partout l'abondance et la vie.
On ne le nomme au loin qu'afin de le bénir ;
Du laboureur il est la providence.

Son bonheur est au comble, il n'a plus de désir.
Mais où le désir meurt, bientôt l'ennui commence.
« Je suis digne, dit-il, de répandre mes Ilots
Dans le vaste Océan, et j'y ferais figure.
D'un hémisphère à l'autre, Éolus aux échos
Proclamerait ma gloire et présente et future. »
Il dit, et part. Son torrent fend les mers,
Et son mugissement retentit dans les airs.

Rapide, orgueilleux, dans sa course,
Il fuit... mais il fuit son bonheur,
Plus il s'éloigne de sa source.
De la tempête il voit la bruyante fureur ;
Ici, règne Neptune avec les fils d'Éole ;
Leur terrible puissance éclipse son éclat,
Et, dans leur gigantesque État,
Il n'est plus qu'un hochet frivole.

Il connaît son erreur, et dit : « O vanité !
Ambition futile !
Lorsqu'on m'ignore en cette immensité
Petit, chez moi, je brille ! »

Livre V, fable 7




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