Dans mon jardin l'abeille, à la naissante aurore
(C'était, s'il m'en souvient, au mois d'août, l'an passé),
Près d'un groupe d'asters au calice inodore
Voltigeait d'un air empressé.
On sait que ces fleurs- là portent la tête haute
Et de vanité n'ont pas faute.
Or, les voilà criant toutes à l'unisson :
<< Gente abeille, on a bien raison
De te dire en appas subtile connaisseuse ;
Rien qu'à ton approche amoureuse
Et ton bourdonnement si doux,
Il n'est pas malaisé de voir que c'est pour nous
Que te voilà si matineuse... »
L'abeille de répondre aussitôt : « Nenni-da ;
C'est pour la fleur de réséda
Que d'ici, toute réjouie,
Je soupçonne entre vous bien fraîche épanouie.
Vainement à mes yeux vous voulez la cacher,
Quand, de si loin, à la chercher
Sa suave odeur me convie. »
Hélas ! plût à Dieu que parfois
D'imiter notre abeille il pût venir l'envie
À quelques-uns de ceux qui donnent les emplois !
Point n'est besoin que je les cite ;
M'est avis qu'on ne verrait pas
Sous le boisseau rester si souvent le mérite
Et s'élever tant de goujats.