« Oh ! qu'à jamais ces gens de cœur
Soient bénis ! » ― s'écriaient en chœur
Et d'aise transportés les pavés d'une rue,
Dont l'émeute aux bras nus, au farouche regard,
À la voix du tocsin en hurlant accourue,
Venait en un clin d'œil de se faire un rempart :
<< Oh ! bon peuple, qui se dévoue
Bravement à venir nous tirer de la boue,
Pour nous élever en beau mur !
D'être en paix désormais chacun de nous est sûr.
Bravo ! nous n'aurons plus à supporter les charges
De ces chariots aux flancs larges,
De marchandises tout bourrés,
Dont nous étions sans cesse accablés, torturés ;
Ni ces infernales engeances
D'omnibus, fiacres, diligences,
Charrettes, tombereaux, de nos nuits, de nos jours
Éternels et cruels supplices :
Sans compter cent troupeaux d'animaux vils et lourds,
Tels que pourceaux, moutons, bœufs, vaches, veaux, génisses,
Qui nous infectaient d'immondices,
Grognant, bêlant, beuglant à réveiller des sourds.
Oh ! bonnes gens, qu'à jamais soient bénies
Vos généreuses mains qui de ces tyrannies
Nous ont délivrés pour toujours ! »
Là-dessus de joie ils entonnent
Un joyeux refrain ; mais, hélas !
Voici que tout-à- coup quatre canons qui tonnent,
Avec un horrible fracas,
Vomissent droit sur eux leurs boulets effroyables,
Et font voler les pauvres diables
Comme du verre en mille éclats !
Pour couper court, en moins d'une minute
Leur beau mur eut fait la culbute.
Ils gémirent alors, trop tard s'apercevant
Qu'au change on perd le plus souvent ;
Et le peu qui d'entr'eux au désastre échappèrent,
Fort heureux, après, s'estimèrent
D'être redevenus pavés comme devant.