L'Écolier et son Chien Simon Pagès (17ème siècle)

Apprenons au jeune âge à calmer le transport
D’une aveugle colère.
S'il arrive un malheur, n’accusons pas le sort,
Mais souvent notre caractère,
Un jeune élève avait un petit chien ;
Il l'appelait Moustache ; il l'aimait, Dieu sait comme !
Moustache, à son tour, l’aimait bien :
On sait qu’en amitié les chiens instruisent l'homme.
Imitant son régent, notre petit garçon,
Soir et matin, d’exercice et de danse,
Avec un soin d’ami, lui donnait la leçon:
Allons, monsieur, debout ; garde à vous, je vous tance.
L’écolier chien était fait à ce ton ;
Il allait, revenait, puis dansait l'olivette,
Puis lui rapportait le bâton,
Portait, comme un guerrier, le chapeau sur la tète.
Viens par-ci, viens par-là; viens, mon petit ami ;
Baise, baise ; il baisait, et notre maître aussi ;
Joyeux, il lui donnait un vous êtes bien sage.
O Dieux ! ces plaisirs innocents,
Chez nous, devraient durer longtemps ;
Mais il est des malheurs, des peines à tout âge.
Moustache, un jour, repris sévèrement,
Oubliant l’amitié qu'il avait pour son maitre,
En étourdi, le blesse de sa dent ;
Le sang paraît : Ah ! sanguinaire, traitre !
Une pierre, à l’instant, lui tombe sous la main :
Que va-t-il faire, hélas ! par un coup inhumain ?
O repentir ! ô colère cruelle !
Le jeune élève, sans pitié,
Au bon ami fait jaillir la cervelle.
L’œil du chien, en mourant, lui peint son amitié,
L’enfant revient à lui, rappelle sa tendresse ;
Contre son cœur aussitôt il le presse,
Et dans les pleurs il est noyé.
Ah ! pour une faute légère,
Ne versez point le sang de votre ami.
Humains, que cet exemple-ci
Réprime votre caractère.

Livre I, Fable 20




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