Sous un énorme roc gisait un gros crapaud ;
Il passait pour avoir grande philosophie;
C’tait un Diogéne au fond de son tonneau.
Moi, je dis qu'il avait un bon grain de folie :
Dans son système tout nouveau,
Bouffi de son rare mérite ,
Il trouvait tout absurde , faux ;
Et animal hideux voulait vivre en ermite
Dans le sein des plus noirs caveaux.
Tl méprisait la race crapaudine;
Tl se disait prophète , annonçant l’avenir ;
C’était une faveur divine
Que de Jupin il croyait seul tenir.
Comme , un moment ayant l’orage ,
I}poussait, par instinct, d’affreux coassements ,
Le grand sorcier s’écriait : Je présage
Encor par d’agréables chants.
Le roc était auprès d’un marécage.
De son antre hideux il lançait le trépas.
*Pour se produire à la lumière ,
Il se traîne un beau jour, hélas! de quatre pas
Loin de son ténébreux repaire.
O l'affreux animal! dirent quelques bergers
Qui revenaient des prés par aventure.
Le crapaud les menace ; ils bravent les dangers ,
Et mettent le lourdaud soudain la torture.
Pendu la tète en bas, il déplorait son sort.
« Célèbre faiseur d’horoscope ,
Lui dit en l'entendant une petite taupe ,

Livre I, Fable 11




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