Le crapaud et la rose Alfred de Montvaillant (1826 - 1906)

Dans un jardin rempli de fleurs
Aux resplendissantes couleurs,
Un crapaud s’éprit d’une rose,
A l’aube fraîchement éclose.
Et l’animal, sous le rosier,
Semblait d’amour s’extasier,
Il était là depuis l’aurore,
Le soir, il s’y trouvait encore
Et, par son vil instinct conduit,
Il y passait toute la nuit.
Et sa voix montait suppliante.
Parfois sur sa tige pliante
La rose épanchait sa senteur
Sur son immonde adorateur.
La rose à son ardeur en butte,
Assez longtemps soutint la lutte.
Sa tige descendait plus près,
Mais pour se relever après.
Et c’est surtout au clair de lune
Que cet affreux batracien,
En habile musicien,
Elevait sa voix importune.
La rose à la fin l’écouta,
Son chant de flûte la tenta.
Elle permit à sa tendresse,
Un soir, sa première caresse.
La tige, quand il la pressait,
Dès lors plus souvent s’abaissait,
De son tendre amour convaincue,
La rose se sentit vaincue,
Et le crapaud ne fut heureux
Qu’en voyant la rose effeuillée,
Et, de l’avoir ainsi souillée.
Il fut au comble de ses vœux.





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