Il était une fois un roi (c'est ainsi qu'en ce tems-là on était convenu par décence d'appeler un tyran). Il était un roi qui proposa, en plein conseil, un prix à celui qui imagineroit quelque nouvel impôt. On en avait déjà tant créé, que le cerveau le plus fécond des plus intrépides ministres de la finance était épuisé. Un des membres du conseil opina pour lever un impôt sur l'ombre que donnent les arbres aux pauvres gens de la campagne. Le roi, émerveillé d'une telle invention, se préparoit déjà à couronner l'inventeur, et même à lui donner la régie de ce nouveau droit, lorsqu'un autre conseiller se leva, et dit : mais, quand il ne fait plus de soleil, et sur-tout en hiver, il seroit aussi par trop injuste de faire payer l'ombre même dont on seroit privé; il faut de l'équité en tout. Je serois plutôt d'avis de lever une imposition sur le sommeil ; taxe d'autant plus importante, qu'on dort tous les jours, et qu'en outre, dans un cas urgent, sa majesté pourrait ordonner à ses sujets l'usage des narcotiques.
Sa majesté leva les mains au ciel, en admirant toute l'étendue, toutes les ressources du génie de l'homme, et fit son favori du conseiller qui avait si heureusement opiné.