J'ai vu le roi du pays où je suis né. Je l'ai vu dans toute sa gloire, au milieu de ses courtisans, dont il paroît le Dieu. Chaque mot qu'il prononce est un oracle. Chaque geste qu'il fait est un ordre. Devant lui on fléchit le genouil, et la tête reste découverte. On n'ouvre la bouche que quand il daigne le permettre. Ce qu'il aime, on l'aime. On hait ce qu'il hait. Malheur à qui dirait paix, quand il a dit guerre. On le suit jusques-là où tout autre homme va seul ; et celui à qui il accorde le privilège de lui rendre les soins les plus vils a des rivaux jaloux, qui ne lui pardonnent pas cette faveur du prince.
J'ai vu un père de famille au milieu de ses enfants. Je l'ai vu, ne donnant point d'ordres, mais mieux obéi que s'il disait : Nous voulons. Objet des soins les plus tendres, une douce familiarité règne autour de lui. Le moindre nuage qui couvre son front, alarme tous ceux qui vivent sous ses yeux. Les conseils, les leçons, qui sortent de sa bouche, vont se graver dans tous les cœurs. Dort-il ? c'est comme s'il veilloit. Le respect qu'on lui porte, ne dégénère point en formule ironique. Est-il malade ? on ne pense point à lui succéder. Meurt-il ? on ne lui fait point d'oraison funèbre ; mais on pleure.
J'aimerais bien mieux être père de famille que roi.
Titre complet : Parallèle d'un roi et d’un père de famille