Les voyages sont bons pour former la jeunesse.
Sur ce point avec vous je demeure d'accord ;
Mais à condition que l'austère sagesse
Guide toujours ses pas, comme autrefois Mentor
Dirigea ceux du fils du roi d'Ithaque.
Encor, malgré Minerve et ses puissants secours,
Voyons-nous le docile et pieux Télémaque
Tout près de succomber à de folles amours.
Laissons là ces oiseux discours.
Tranquillement, dans son obscur asile,
Vivait un beau pigeon, lorsque, pour son malheur,
Un avide spéculateur
Admirant son allure agile
Et sa prestesse et sa vigueur,
Calcula combien d'avantages
Il en pourrait tirer pour porter des messages.
Sans aucun doute, à Londre, à Bruxelle, à Paris,
Un tel pigeon devait, remportant tous les prix,
Lui valoir d'immenses richesses.
Le rusé n'épargna ni douceurs, ni promesses :
Il fit si bien qu'il l'entraîna,
Et qu'à le suivre il le détermina.
Voilà notre étourdi gaîment courant le monde.
Dans cette course vagabonde,
Il contracta de vingt pays divers
Et les vices et les travers.
Bien plus, hélas ! dans son délire impie,
Il avait oublié jusques à sa patrie,
Et ses amis, et ses parents,
Et sa compagne, et ses pauvres enfants.
Mais du malheur la leçon prompte et sùre
Aux sentiments de la nature
En peu de temps le rappela.
Repentant et confus, aux lieux de sa naissance
Tristement l'oiseau revola ;
Il y fut accueilli par l'aimable indulgence :
Il gémit, il se condamna,
Et sa compagne pardonna.