Dans ma jeunesse, élégant troubadour,
J'étais riche, galant, et partant sûr de plaire :
Chacun applaudissait à ma muse légère,
La beauté souriait à mes doux chants d'amour.
Un revers imprévu renversa ma fortune :
Ma Muse parut lourde et ma plainte importune.
Heureux, on m'appelait à maint joyeux festin ;
Aujourd'hui, je connais la faim,
Aussi personne ne m'invite.
Si je m'approche, on s'éloigne, on m'évite :
Je ne rencontre plus que mépris, que dédain.
Du moins, la destinée en m'ôtant ma richesse,
Me laisse un précieux trésor,
Un véritable ami. C'est toi, mon bon Médor !
Par ta sympathique tendresse,
Courtisan du malheur, tu calmes ma tristesse,
Et grâce à toi, je puis jouir encor.
Oui, nous sommes unis à la vie, à la mort.
Quand la misère (un jour qui n'est pas loin peut-être)
Terminera le sort du pauvre troubadour,
Personne à son convoi ne daignera paraître :
Toi seul, fidèle ami, jusqu'au dernier séjour,
Triste et pensif, tu suivras ton vieux maître.
Note de l'auteur : J'ai longtemps hésité à placer cette pièce parmi mes fables : en effet, ce n'est pas à proprement parler un apologue. Toutefois, j'ai cru devoir céder ù l'insistance de quelques amis qui ont pensé qu'elle ne déparerait pas ce recueil.