Brûlé par les feux du soleil,
Un voyageur eut fantaisie
De se livrer aux douceurs du sommeil
Sous un noyer. A son réveil
Sentant sa tête appesantie,
« Je reconnais, dit-il, ta funeste vapeur,
Arbre maudit ! » — « Pourquoi cette fureur ?
Interrompt le noyer : il est vrai, le vulgaire
Attribue à mon ombre un pouvair délétère ;
Mais, tout en admettant comme une vérité
Cette croyance populaire,
Conviens au moins que mon utilité
Doit à tes yeux me faire trouver grâce.
Tu n'as pas oublié, sans doute, que mes fruits
Préparés avec soin, dans le sucre confits,
Occupent sur ta table une honorable place :
Puis, mon brou fournit aux gourmands
Une liqueur amère, et pourtant gracieuse,
Bien propre à ranimer leurs palais languissants ;
On fait avec mon bois des meubles élégants :
Enfin je donne aux arts une huile précieuse.
Laissant donc de côté mes inconvénients,
Ne songe, ami, qu'à tirer avantage
Des bienfaits que je puis t'offrir ;
Et cueille en paix mes fruits, sauf à ne plus venir
Te reposer sous mon ombrage. »