Un homme examinait un pot
Dont la forme surtout lui paraissait commode.
n Celui qui l'inventa, dit-il, n'était pas sot,
Pas plus que celui-là qui rédigea le Code.
— Quoi ! dit quelqu'un qui l'entendit,
Le Code, où sont écrits et mon droit et le vôtre,
Et ce pot c'est tout un, et c'est le même esprit
Qui, selon vous, fil l'un et l'autre ?
— Oui, c'est là mon avis, je n'en retranche rien,
Anse des deux côtés, choisissez pour le prendre,
À droite, à gauche, on saisit toujours bien.
C'est de même la loi, suivant qu'on veut l'entendre ;
Elle s'applique à tout ; et le tien et le mien,
Pour s'attaquer, pour se défendre,
Sont dans les mêmes cas jugés différemment ;
Et toujours bien jugés, grâce au tempérament
De ces textes confus d'où sortent les sentences.
J'ai plaidé dans mon temps : je dis ce que j'en sais ;
Et j'ai pu voir dans maints procès
Que le pour et le contre ont de pareilles chances,
Et que le Code, enfin, est un pot à deux anses.