La Laitière et le Pot au lait Jean-Baptiste Voinet (1976 - ?)

DEUX FABLES SUR CETTE HISTOIRE

La Laitière et le pot au lait

Perrette sur sa tête avait un pot au lait
Posé sur un coussin, tout juste en équilibre.
Habillée d'un rien, vêtue comme il plaît
À cette jeune femme aussi simple que libre.
Elle avait rendez-vous au marché du hameau
Pour proposer son lait et vendre sa récolte.
Mais déjà défilaient des milliers d'animaux
Dans son esprit léger, naïf et désinvolte.

"Si je vends bien mon lait, pensait-elle en marchant
Je pourrais donc m'offrir, si je suis efficace,
Une couvée entière." Et tout en ébauchant
La suite de ses plans, toujours plus perspicace,
Elle se mit à croire, aussi dur que le fer
Que pourraient succéder à ses bêtes plumées
Mille animaux encor, et tout un univers,
Lui assurant richesse ainsi que renommée.

En son esprit rêveur montèrent des bovins,
Pour la viande et le lait, quelques veaux et leurs mères,
Des bêtes bien à elle, au moins dix-huit ou vingt,
Car à quoi sert sinon d'être visionnaire.
Puis vinrent à passer par là des cochons gras,
Bien à leur place au sein de cette porcherie
Qu'elle allait leur bâtir, à l'aide des extras
Des ventes de terrine et de charcuterie.

Encore à ses poussins, vaches et porcelets,
Ce caillou posé là, par hasard, sur la route,
Lui fit faire un faux pas, ensuite, sans délai,
La cruche dérapa et la belle, en déroute,
S'étala bel et bien, au milieu du chemin,
Recouverte de lait, le breuvage à la source
De son inattention : "Que serai-je demain,
Mes vaches, mes cochons, pensa-t-elle, et ma bourse ?"

Allez, de vous à moi, il n'y a pas grand mal
À rêver au grand jour, à penser aux possibles.
À cet âge surtout, hein, quoi de plus normal,
À trop chercher de torts, on devient inflexible.
La petite est tombée, est-ce grave, vraiment ?
On a perdu le lait, aussi, la belle affaire !
Regardez le chemin, voyez, rien d’alarmant,
Elle est déjà debout, la petite laitière.

La Laitière et le pot au lait 2

Perrette, aussi belle que libre
Portait sur sa tête un pot au lait
Posé, tout juste en équilibre
Sur un petit, petit coussinet.
Elle se rendait au village
Tout en chantonnant sur le chemin
Elle allait vendre son breuvage
En rêvant au lendemain.

Ah, qu’elle était belle,
La jouvencelle !
Qu’elle était légère,
Notre laitière !

C’est que dans sa petite tête
Il était déjà vendu, son lait,
Dans la caboche de Perrette
Des milliers d’animaux défilaient.
Elle voyait déjà sa ferme :
Des coqs, des poules et des poussins
Puis, une fois vendus, à terme,
Des vaches et des lapins.

Ah, qu’elle était belle,
La jouvencelle !
Qu’elle était légère,
Notre laitière !

Mais voilà que notre donzelle,
Transportée par ses divagations,
Bondit comme une sauterelle,
Oubliant l’objet de ses passions.
Vous imaginez bien la suite :
Le lait renversé sur le chemin…
Ce n’est pas grave, la petite
Recommencera demain…

Ah, qu’elle était belle,
La jouvencelle !
Qu’elle était légère,
Notre laitière !