Du Loup qui mist sus à l’Aigniel qui troublait le ruissel Ysopet I (Moyen Âge)

Un loup et un aigniau amaine
Soif pour boire à une fontaine,
Le loup amont, l’aigniau aval.
Le leu qui ne panse fors a mal,
Rudement a dit à l’aigniau :
Pourquoy me trouble tu mon eau ?
En cuist tu boire, di le moy ?
L’aignel, qui a peur et esmoy,
Lui dist qu’il n’a de rien véu,
Combien que ait du ruissel beu :
Ne puet yave monter arriéré,
N’oncques, pour ce, n’an fu mains clerc.
Comment me menasses tu doncques ?
L’aigniau dit : Sire, non fis oncques.
Si fis, dit le loup, par saint Pierre :
Tout autel fist jadis ton pere :
Pour lui morras, a luy retrais.
Cils qui ne quiert fors bien et pais,
Ne puet trouver pais ni accort
Que le deslcoial ne le mort.
Morir le convient sans raison.


Tout ainsi fait le mauvais hom ;
Achoison sans cause pourchasce
Comment au preudhomme mefface. '
Qui veult faire division
De l’ami, tost quiert aschoison,
Met sus à son ami la raige,
Si com nous tesmoigne le saige.

Tiré du le livre Fables inédites des XIIè, XIIIè, XIVè siècles et Fables de la Fontaine, par A.C. M. Robert, 1825, p.58


Fable XII

Notes

Encuist ta boire : eu crois-tu boire; de cuider : croire
Yave : eau
Retrais : ressembles
Quiert : cherche, de quœrit
Ne le mort : ne le morde
Achoison pourchasce : recherche l’occasion
Mefface : de méfaire, fasse mal


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