Moufflard et son ami, (car vous soupçonnez bien
Que Moufflard a du loup pour jamais fait le sien.)
Après avoir tous les deux fait ripaille
De restes de gigots, de restes de volaille,
Avoir passé la nuit dans un doux entretien,
A se remémorer leurs antiques prouesses,
A faire des châteaux de mille et mille espèces,
Sur le matin, tous deux voulurent sommeiller.
Une bonne action est un doux oreiller.
Le loup jamais n'eut autant d'alégresse.
Les voilà donc tous deux, tout au fond du charnier,
S'allongeant ; lorsque le berger,
Dont le loup prit hier la plus notable pièce
Robin mouton, Robin l'objet de sa tendresse,
Approche, accourt pour se venger.
Il est armé, suivi de plus d'un estafier
Qui doivent seconder sa terrible vengeance.
Moufflard les sent, les voit, il reconnaît bientôt
Le dur successeur de Guillot,
Moins prêt à pardonner qu'à punir une offense.
Ami, dit-il au loup, enfile ce sentier,
Sur eux prends vite de l'avance.
— Et toi ? — Je reste. — Quoi ? — Sauve-toi le premier,
Bien mieux que toi, près d'eux, je puis obtenir grâce.
Ici, voyant quelqu'un, ils se rueront sur moi
Sans plus s'inquiéter de toi.
Adieu, cours vite, adieu !... que je t'embrasse !
Nous nous retrouverons, s'il plaît au ciel ! Le loup
Est bientôt loin ; de fusil plus d'un coup
De maints côtés assaillent le repaire.
Moufllard en est atteint, il meurt ; quelle pitié!
Pourquoi ? Dix fois de la misère
Il fut presque victime.... Il l'est de l'amitié!