De tous les chats de son quartier,
Si Matagaud passait pour le plus redoutable,
De tous rats sachant le métier,
Au brave Ratalard nul n'était comparable ;
Pour pressentir son chat, soit du nez, soit des yeux,
La nuit, comme le jour, en tous temps, en tous lieux,
Ratalard était admirable.
C'était merveille à voir !
A tel point que de son savoir,
La renommée était si grande,
Qu'il fut chef de plus d'une bande :
Enfin, c'était entre eux
Deux,
Comme dit le proverbe,
A bon chat,
Bon rat.
Mais dans une carrière et brillante et superbe,
Pourquoi faut-il que, pour nos maux,
Toujours aux grands talents, soient joints de grands défauts
Or, Ratalard, chance mauvaise ou bonne,
Onc, ne croyait personne,
Ce défaut le perdit, hélas ! Voici comment :
Un des siens vint un jour lui dire :
Nous pouvons librement,
Au grenier, sans danger boire, manger et rire,
Je viens de voir, j'en suis certain,
Matagaud endormi dans le fond du jardin ;
Le grenier est fermé, nous n'avons rien à craindre.
-Insensé ! pour savoir s'il ne peut nous atteindre,
Auparavant, je vais essayer par ce trou,
Du haut des toits d'entrevoir le matou.
Ce fut à lui grande imprudence
Et grand tort,
Car, du trou hors à peine, il se trouve en présence
D'un chat qui vous le met à mort.
Cela fut sitôt fait qu'il n'en sentit rien faire,
Ou bien s'il le sentit il ne le sentit guère.
Ceci nous prouve un fait : c'est qu'en réalité,
La méfiance,
N'est pas toujours fille de la prudence,
Ni mère de la sûreté.