Le chat et le vieux Rat Charles Beaulieu (19ème)

De tous les chats de son quartier,
Si Matagaud passait pour le plus redoutable,
De tous rats sachant le métier,
Au brave Ratalard nul n'était comparable ;
Pour pressentir son chat, soit du nez, soit des yeux,
La nuit, comme le jour, en tous temps, en tous lieux,
Ratalard était admirable.
C'était merveille à voir !
A tel point que de son savoir,
La renommée était si grande,
Qu'il fut chef de plus d'une bande :
Enfin, c'était entre eux
Deux,
Comme dit le proverbe,
A bon chat,
Bon rat.
Mais dans une carrière et brillante et superbe,
Pourquoi faut-il que, pour nos maux,
Toujours aux grands talents, soient joints de grands défauts

Or, Ratalard, chance mauvaise ou bonne,
Onc, ne croyait personne,
Ce défaut le perdit, hélas ! Voici comment :
Un des siens vint un jour lui dire :
Nous pouvons librement,
Au grenier, sans danger boire, manger et rire,
Je viens de voir, j'en suis certain,
Matagaud endormi dans le fond du jardin ;
Le grenier est fermé, nous n'avons rien à craindre.
-Insensé ! pour savoir s'il ne peut nous atteindre,
Auparavant, je vais essayer par ce trou,
Du haut des toits d'entrevoir le matou.
Ce fut à lui grande imprudence
Et grand tort,
Car, du trou hors à peine, il se trouve en présence
D'un chat qui vous le met à mort.
Cela fut sitôt fait qu'il n'en sentit rien faire,
Ou bien s'il le sentit il ne le sentit guère.
Ceci nous prouve un fait : c'est qu'en réalité,
La méfiance,
N'est pas toujours fille de la prudence,
Ni mère de la sûreté.

Livre III, fable 18




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