Pour arroser ses fleurs, Colas puisait sans cessé
Dans un étang ou réservoir
Qui servait aussi de manoir
Á maints individus de l'aquatique espèce.
II allait si bon train, il puisait tant et tant,
Que presqu'à sec il mit l'étang ;
Et n'y laissant pas une goutte,
Tous les poissons seraient péris sans doutes
Mais par bonheur le maître de céans
Arrive encore à teins
Pour réparer tout le dommage.
J'aime les fleurs, dit-il, mais aussi mon poisson ;
Je l'aime autant ou davantage.
Colas comprit mal la leçon ;
Dès ce moment, croyant mieux faire,
II suit la méthode contraire,
N'a plus recours à l'arrosoir :
Et comme il manqua de pleuvoir,
Les fleurs bientôt s'en ressentirent,
Et de sécheresse périrent.
Le Maître une autre fois retourne à son jardin ;
II y trouve l'œillet, la rose et le jasmin
Fanés et couverts de poussière.
Alors au Jardinier il dit d'un ton sévère :
Arrose mes fleurs ; j'y consens ;
Arrose-les, butor ; mais fais-le de manière
A ne pas priver d'eau l'espèce poissonnière.
Prends soin de mes poissons ; mais tâche en même temps
En leur donnant l'eau nécessaire,
De me conserver les présents
De Flore qui m'est toujours chère.
Auteurs, pour remporter le prix,
II n'est qu'un moyen véritable ;
C'est de joindre dans vos écrits
L'utile et l'agréable.