La taupe un jour dit au soleil :
- On m'a parlé de toi dans le pays des ombres.
J'ignore si ton disque est bleuâtre ou vermeil,
Si tes rayons sont clairs ou sombres,
Mais on dit qu'un loi te fixe à ton pivot,
Et que tes débris de lumière
Tombent au hasard sur la terre,
Comme ceux d'une fleur de lis ou de pavot.
Moi, je suis libre et je suis noire,
Et dans ma nuit j'ai plus de gloire
Qu'un esclave doré qu'attache au firmament
Un clou, fût-il de diamant.
- Tu te crois libre, ma commère,
Lui répond l'astre radieux,
Parce qu'un vil instinct, sans lumière et sans yeux,
Te dirige à tâtons dans ta vile tanière !
Mais peux-tu faire un pas dans ton obscurité
Qu'il ne soit ou nécessité,
Ou provoqué du moins par forces naturelles ?
Tu marches en esclave, et je m'assieds en roi ;
Je donne et j'accepte la loi ;
Je vis dans la raison de la lumière, et toi
Dans la fatalité des ombres éternelles !
Si taupes au soleil pouvaient parler ainsi,
Nous en ririons ; mais, Dieu merci,
Nous ne laisserions pas de raisonner comme elles.