Un jeune homme de Sparte au marché fut vendu.
- Pauvre ignorant, dit-il, en regardant son maître,
Tu m'as payé trop cher, ton argent est perdu,
Et tu vas bientôt me connaître.
Il monte sur le toit de la haute maison
Qu'on veut lui donner pour prison.
Il invoque les dieux de sa fière patrie,
Il prononce le nom de sa mère chérie,
Puis d'un élan précipité,
Il tombe en criant : Liberté !
Tout inondé de sang, il respirait encore,
On court, on va le relever,
Son maître éperdu fait laver
Son beau front qui se décolore :
- Adieu, dit le mourant, je ne sais si ta loi
Maintenant m'approuve ou me blâme,
Mais on n'achète pas une âme ;
Prends mon cadavre, il est à toi.
Il dit et meurt.
De cette histoire
Tirons une moralité.
L'héroïsme toujours remporte la victoire ;
Qui peut souffrir le joug l'a trop bien mérité.
On agite encor dans notre âge,
La question de l'esclavage.
Moi, je dirais : - Frappez sans pitié ni merci
Ce troupeau de bêtes de somme :
Un homme ne saurait être un esclave, ainsi
Un esclave n'est pas un homme.
Quant au prisonnier délivré
Par un attentat si sublime,
Son suicide n'est pas un crime,
C'est un combat désespéré.
Mais il sut noblement souffrir,
Il faut ici le reconnaître ;
Il aurait pu tuer son maître,
Il se contenta de mourir.