Un rat du quartier Saint-Marceau,
Et qui se nommait Diogène,
Habitait jadis un tonneau.
Insouciant, libre et sans gêne.
Par goût il était chiffonnier,
Et parcourait, au clair de lune,
Tous les recoins de son quartier,
Ne rentrant chez lui qu'à la brune :
« Que je connais bien mon Paris !
Disait-il avec un fou rire,
Feuilles de choux, vieux œufs pourris,
Nous trouvons ici de quoi frire.
Philosophe de mon état,
Dans ce cher Paris qu'on renomme,
Moi je voudrais trouver un homme ! »
Un soir, il vit paraître un chat ;
Le feu de ses vertes prunelles
Le saisit d'une sainte horreur :
« Je crois, l'ami, que tu m'appelles,
Cher Diogène de mon cœur !
Lui dit le brigand à la chasse.
Je suis l'homme, que me veux-tu ?
Approche un peu que je t'embrasse,
Nous allons causer de vertu. »
Mais, lui, lâchant soudain sa hotte,
Et poursuivi par le matou,
Bondissant à travers la crotte,
Se glissa vite dans son trou.
Il était temps, car l'escogriffe
Faillit le prendre en quelques sauts.
Il sentit le vent de sa griffe
Lui redresser les poils du dos.
Epouvanté de l'aventure,
Et par l'expérience instruit,
Le rat, prudent de sa nature,
Se confina dans son réduit.
Diogène ayant vu son homme
Trouva qu'il manquait de gaité,
Et je crois, entre nous, en somme,
Qu'il était dans la vérité.