Le Pape Urbain VIII et son vieux Serviteur Etienne Catalan (1792 - 1868)

J'ai mis en scène maint Curé ;
Loin de m'en repentir, je vais y mettre un Pape.
Quiconque m'offre un trait, ou profane, ou sacré,
L'homme et le trait pour moi sont tout un, je les happe
Et j'en fais mon profit ; c'est mon bien, je le prends ;
Mais, plus encor, c'est le vôtre peut-être,
Je vous le dois et vous le rends ;
Que si vous souriez, je me crois passé maître ;
Car, le rire est, parfois, la meilleure façon
D'insinuer une leçon :
Alors que le Curé rit sous cape
Du Pape,
Et que le Pape rit, à son tour, du Curé,
Tout va pour le mieux en ce monde.
Or, tenez-vous bien assuré
Qu'il n'est qu'un bon pays de fronde,
Où chacun puisse, en paix, vivre selon son gré ;
Témoin Pasquin et la Vieille-Italie !



Mais, voyez, tout s'enchaîne : en parlant de Pasquin,
Nous arrivons tout droit au fait du Pape Urbain ;
Il se mêlait, dit- on, d'Astrologie,
Et son bel art allait jusques au cas
De composer des Almanachs.
Ce Pape avait un ancien Domestique,
Qui s'appelait Onufrio,
Grand faiseur de lazzi, grand maître en quiproquo,
Enfin, se permettant mainte et mainte rubrique
Même avec le Saint-Père !... Un ancien Serviteur,
Bien éprouvé, bien sûr, est, — au dire de Sterne, —
Un humble et digne Ami : qu'y fait la baliverne ?
Lui défendrons-nous donc, parfois, la belle humeur ?
Non, de par Dieu ! Ma gaîté fait la sienne,
Et sa gaîté fait, à son tour, la mienne ;
Le vouloir soucieux toujours, c'est inhumain !...

Ainsi que moi pensait le bon Saint-Père Urbain ;
Et, si nous en croyons ce que l'histoire atteste,
Onufre en profitait un peu plus que de reste,
Comme vous l'allez voir. Une certaine nuit,
Voilà le Pape qui l'appelle ;
Onufrio, s'éveillant à ce bruit,
Court à Sa Sainteté : Quel temps fait-il ? dit-elle...
Pour avoir plus tôt fait, soudain, Onufrio :
Beau temps, lui répond-il... Beau temps ! Sapiano ;
Reprend tout à l'instant le Pape :
Onufrio, rien ne m'échappe,
Et, c'est juste le temps que dit mon Almanach !
Or, il pleuvait à verse ; et, nonobstant ce, crac,
Messer Onufrio gagne son lit, se couche,
Puis, de dormir comme une souche ;
Et, sans doute, bercé par son art merveilleux,
Urbain s'endort lui-même, et ronfle tout au mieux !

Vous dirai-je, à présent, qu'Onufre fut un traître,
Qui livra le secret du Saint- Père ? Peut-être
Que vous et moi, vrais Saints, en eussions fait autant :
C'est, quelquefois, si doux de s'égayer !... Mais, quant
A ma moralité morale,
De peur qu'elle n'éveille, en haut lieu, le scandale,
Je la vais, s'il vous plaît, emprunter à Pasquin ;
Tel fait une œuvre magistrale,
Qui se sert à propos du crédit d'un faquin.

A toi, Pasquin, salut ! N'est-il pas vrai, mon drôle,
Que ce Pape jouait un fort singulier rôle ?
Voyez, dis- tu, voyez la noble ambition ! -
Descendre des hauteurs de la Théologie,
Pour se préoccuper, de quoi ? d'Astrologie :
Cet Urbain polluait sa sainte mission !
Que fera le Fidèle, en cette occasion,
Lui qui tient tout Pape infaillible ?...
Oracle du Très-Haut, quand l'Élu de mon Dieu
Parle au nom de l'Être Invisible,
Je crois le voir, cet Être, et l'ouïr ; mais, adieu,
Si l'Oracle devient l'émule de Mathieu ;
Ma foi le révérait, mais, le voilà risible ;
Autant vaut, à mes yeux, le dernier des Monachs ;
Grand merci du Saint-Père, et de ses Almanachs !

Cher Pasquin, je te voue un amour indicible :
Tu m'auras de l'Index fait éviter le cas !

Livre III, fable 18




Commentaires