J'ai mis en scène maint Curé ;
Loin de m'en repentir, je vais y mettre un Pape.
Quiconque m'offre un trait , ou profane , ou sacré,
L'homme et le trait pour moi sont tout un, je les happe
Et j'en fais mon profit ; c'est mon bien, je le prends ;
Mais, plus encor, c'est le vôtre peut-être,
Je vous le dois et vous le rends ;
Que si vous souriez, je me crois passé maître ;
Car, le rire est , parfois , la meilleure façon
D'insinuer une leçon :
Alors que le Curé rit sous cape
Du Pape,
Et que le Pape rit, à son tour, du Curé,
Tout va pour le mieux en ce monde.
Or, tenez-vous bien assuré
Qu'il n'est qu'un bon pays de fronde,
Où chacun puisse, en paix, vivre selon son gré ;
Témoin Pasquin et la Vieille-Italie !
Mais, voyez, tout s'enchaîne : en parlant de Pasquin,
Nous arrivons tout droit au fait du Pape Urbain ;
Il se mêlait, dit- on , d'Astrologie,
Et son bel art allait jusques au cas
De composer des Almanachs.
Ce Pape avait un ancien Domestique,
Qui s'appelait Onufrio,
Grand faiseur de lazzi , grand maître en quiproquo,
Enfin, se permettant mainte et mainte rubrique
Même avec le Saint-Père !... Un ancien Serviteur,
Bien éprouvé, bien sûr, est, — au dire de Sterne, —
Un humble et digne Ami : qu'y fait la baliverne ?
Lui défendrons-nous donc, parfois , la belle humeur ?
Non, de par Dieu ! Ma gaîté fait la sienne,
Et sa gaîté fait, à son tour, la mienne ;
Le vouloir soucieux toujours, c'est inhumain ! ...
Ainsi que moi pensait le bon Saint-Père Urbain ;
Et, si nous en croyons ce que l'histoire atteste,
Onufre en profitait un peu plus que de reste,
Comme vous l'allez voir. Une certaine nuit,
Voilà le Pape qui l'appelle ;
Onufrio, s'éveillant à ce bruit,
Court à Sa Sainteté : Quel temps fait-il ? dit-elle ...
Pour avoir plus tôt fait, soudain , Onufrio :
Beau temps, lui répond-il ... Beau temps ! Sapiano ;
Reprend tout à l'instant le Pape :
Onufrio, rien ne m'échappe,
Et, c'est juste le temps que dit mon Almanach !
Or, il pleuvait à verse ; et, nonobstant ce, crac,
Messer Onufrio gagne son lit, se couche,
Puis, de dormir comme une souche ;
Et, sans doute, bercé par son art merveilleux,
Urbain s'endort lui-même, et ronfle tout au mieux !
Vous dirai-je, à présent, qu'Onufre fut un traître,
Qui livra le secret du Saint- Père ? Peut-être
Que vous et moi, vrais Saints, en eussions fait autant :
C'est, quelquefois, si doux de s'égayer !... Mais, quant
A ma moralité morale,
De peur qu'elle n'éveille, en haut lieu, le scandale,
Je la vais, s'il vous plaît , emprunter à Pasquin ;
Tel fait une œuvre magistrale,
Qui se sert à propos du crédit d'un faquin.
A toi, Pasquin, salut ! N'est-il pas vrai, mon drôle,
Que ce Pape jouait un fort singulier rôle ?
Voyez, dis- tu, voyez la noble ambition ! -
Descendre des hauteurs de la Théologie,
Pour se préoccuper, de quoi ? d'Astrologie :
Cet Urbain polluait sa sainte mission !
Que fera le Fidèle, en cette occasion,
Lui qui tient tout Pape infaillible ?...
Oracle du Très-Haut, quand l'Élu de mon Dieu
Parle au nom de l'Être Invisible,
Je crois le voir, cet Être, et l'ouïr ; mais, adieu,
Si l'Oracle devient l'émule de Mathieu ;
Ma foi le révérait, mais, le voilà risible ;
Autant vaut, à mes yeux , le dernier des Monachs ;
Grand merci du Saint-Père, et de ses Almanachs !
Cher Pasquin, je te voue un amour indicible :
Tu m'auras de l'Index fait éviter le cas !