Un jour, tout au milieu d'une sédition,
Où maints partis hurlants commençaient de se battre,
Soit devoir ou compassion,
Survient un Harangueur gros au moins comme quatre.
À cet aspect grotesque autant qu'inattendu,
Voilà le combat suspendu ;
C'est à qui des mutins éclatera de rire :
Beau début pour mon Harangueur !
Loin de s'en émouvoir, il se prend à leur dire :
Bon ça, riez de ma grosseur ;
Et, que serait-ce donc, si vous voyiez ma femme !
Sans rien exagérer, je vous jure ma foi
Qu'elle est bien, cette rare et merveilleuse dame,
D'un bon tiers plus grosse que moi.
Cependant, quand la paix règne en notre ménage,
Un seul et même lit suffit à tous les deux ;
Mais, pour peu qu'il s'élève entre nous quelque orage,
Nous grossissons encor, ce crois-je, à qui mieux mieux,
Et jusqu'au point, que c'est à peine
Si le logis nous peut, elle et moi, contenir.
Nous étions justement ainsi, fort à la gêne,
Lorsque votre clameur soudaine,
En m'arrivant là-bas, vers vous m'a fait venir :
Vous savez notre histoire, apprenez-moi la vôtre...
La leur fut d'accueillir d'unanimes bravos
L'étrange et piquant à-propos ;
Bref, la morale plut : grâce à ce bon apôtre,
On s'aborde, on se prouve, en se şerant la main,
Que la sédition est dûment apaisée.
Gouvernants, tâchez-y ; c'est, parfois, chose aisée
Que d'arrêter tout court l'émeute en son chemin :
Témoin Ménénius et le Peuple Romain,
Témoin mon Harangueur. La raison avisée
De telles gens, toujours, atteint, en ce haut jeu,
Plus sûrement au but que le fer et le feu :
Le tout est de savair prendre à point sa visée.