Comme une fleur, l'Aigrette, au milieu des gazons,
Mirait, au bord de l'eau, sa blancheur éclatante,
Et de son bec pointu, l'œil fixe, dans l'attente,
Elle guettait des poissons.
Le Marabout, monté sur ses grandes échasses,
A pas lents, allongés, et comme par ressort,
S'avançait gravement, tel qu'un porteur de châsses,
Ou tel qu'un vieux Bramin méditant sur la mort.
« Bonjour, dit-il, ma commère ;
La pêche est-elle bonne ? ? -« Excellente, vrai ment »
« Toujours contente! Hélas pauvre tête légère,
Tu n'as jamais de tourment! »
« Et vous, toujours vous criez la misère;
Que vous sert-il ? » « Pour cette fois, ma chère,
Ce serait bien votre tour.
Sachez ce que de vous on disait l'autre jour:
Deux animaux que je ne connais guère,
Mars et Vénus, gens pimpans et coquets
Ont conçu contre vous la plus funeste envie;
Pour dérober vos élégants plumets
Ils menacent votre vie.
Rien à leurs coups, dit-on, ne résiste jamais. »
« Quoi n'est-ce que cela,? Je savais leurs projets.
Mais craignez pour vous-même une triste aventure;
Les femmes, à présent, raffolent des duvets
Que près de votre queue a cachés la nature. »
« A d'autres, vous raillez! car quel esprit mal fait
Voudrait en ce lieu-là chercher une parure ?
Qu'en feraient-ils, s'il vous plaît ?
Ces oiseaux n'ont donc pas de plumes au derrière ? »
« Chut le vilain Ces dames voyez-vous y
Ornent leur tête légère
De vos légers marabouts »
« Cette enseigne, vraiment, était bien nécessaire
« Comment nous tirer d'affaire ?
L'un l'autre arrachons-nous ces ornements légers
Qui causent tous nos dangers. »
Au moment d'opérer, la souffrance fit taire
Un si maladroit dessein.
C'est une prudence vaine
De souffrir douleur certaine
De peur de mal incertain;
Mieux vaut subir son destin.