Notre sotte vanité
S'accroche à la moindre branche;
Tout fier d'avair la peau blanche,
En Afrique un Chasseur, sur leur crédulité y
Raillait de pauvres Noirs. « Quelle insigne folie!
Croire aux oiseaux sacrés et ménager leur vie
0 honte de l'humanité
On s'est moqué de vous. Et, bravant leurs prières,
Sur un Ibis il se mit à tirer.
Le coup part, l'oiseau tombe. Avant que d'expirer,
L'Ibis dit, palpitant dans ses mains meurtrières
< Quel mal vous ai-je fait ? En messager des dieux,
Mon arrivée annonce dans ces lieux
Le débordement des rivières,
Le retour de la pluie, et l'heureuse saison
Où se prépare la moisson.
Dans vos guérets~ dans vos rizières y
Je détruis par milliers les insectes fangeux,
Qui font la guerre aux semences utiles,
Et des venimeux reptiles
Je purge vos champs joyeux ;
Je rends les airs plus purs, les terres plus fertiles.
Consultant ses besoins autant que mes bienfaits,
L'homme n'avait ici juré la paix,
Me donnant pour garantie
La protection des dieux.
C'est ainsi qu'en Egypte autrefois mes aïeux
Ont vu respecter leur vie;
Et que, reconnaissant, on prodiguait pour eux
Les honneurs de la momie
Vos discours ignorants et mon trépas affreux
Vous montrent combien l'homme a besoin qu'on le lie
Voilà pourtant ce qu'un fat orgueilleux,
Tranchant de l'esprit fort, a traité de folie
Les préjugés souvent sont fondés en raison ;
Tel qui s'en rit ne sait pas les comprendre.
Profitez de la leçon,
Ne jugez pas sans entendre;
Cherchez, fouillez, creusez; chaque chose a du bon.
Avec des ignorants on peut encore apprendre.