Le Hâbleur Fleury Flouch (19ème)

Que je hais les hâbleurs ! Ces géants de la veille
Le jour suivant sont mis au rang des nains.
Dans Paris, bruyante merveille,
Où de tant de fripons voltigent les essaims,
Un gastronome parasite
Dont l'appétit faisait le principal mérite,
Vantait son influence auprès des gens de cour :
On l'invitait à diner tour à tour.
Dans le banquet, en homme habile,
Des aventures de la ville
Instruisant son hôte enchanté,
Il se donnait les airs d'un personnage,
A l'esprit du convive ajustant son langage.
Il prêtait au mensonge un air de vérité,
Que de sa voix encore appuyait le mystère.
Tel auteur lui devait son triomphe éclatant ;
Tel commis un poste vacant
Dans les bureaux du ministère.
Au patron du festin, qu'il traitait en enfant,
Il promettait des titres de noblesse ;
Et de sa langue exerçant la souplesse,
Toujours prompt à saisir l'instant
Où Cornus prodiguait le luxe de la table,
Il se taisait, laissant jaser les étourdis ;
Et d'une bouche insatiable
Mangeait et buvait comme dix.
Enjoué tour à tour, sérieux, tendre, aimable,
Souriant sans motif à plus d'un convié,
Dispensateur de promesses sans nombre,
Faisant sonner les mots d'honneur et d'amitié.
Le lendemain notre homme avait tout oublié.
Rencontrait-il sa dupe, il fuyait comme une ombre.

Livre III, fable 3




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