Le fils d'un riche agriculteur,
Affranchi récemment des chaînes du collège,
Adolescent, paré de grâce et de fraîcheur,
Qui de ses dix-huit ans sentait le privilège,
Tout prêt à se lancer dans un monde trompeur,
Où la vie à ses yeux se montrait sans nuage,
Depuis longtemps éprouvait le désir
De voyager pour son plaisir :
La jeunesse, toujours volage,
Ne songe qu'à se divertir.
Contrarié dans ses vœux par sa mère
Qui de tous les dangers voulait le garantir,
Mon étourdi s'adressait à son père
Qui l'écoutait en souriant,
Et qui lui ménageait un avis salutaire.
Un jour qu'ils parcouraient, tous deux, en conversant,
Un beau verger comblé des présents de Pomone,
L'entretien réveilla ce débat important :
« Tiens, cueille cette poire, elle me paraît bonne »,
Dit tout à coup le père, en s'arrêtant.
(Or, le soleil sur le Lion brûlant
De ses rayons alors suspendait la couronne,
Et les fruits du poirier n'étaient mûrs qu'en automne).
La poire toutefois a crié sous la dent ;
Mais le gourmet fait la grimace,
Et jette au même instant
Le fruit vert dont l'allée accueille la disgrâce.
« Quelle acidité ! quelle aigreur» !
Dit-il en regardant son père.
— « Tête légère !
Reprit avec douceur
Le mentor qui voulait l'instruire :
« Cet arbre te sert de censeur ;
Il laisse au temps le soin de tout produire.
La liberté que ton âge désire,
Ressemble au fruit qui n'est pas de saison ».
Le jeune homme se tut ; il comprit la leçon.