Les Fruits du Marché Louis-Jules Mancini-Mazarini (1716 - 1798)

A l’heure où le marché foisonne
Des fruits divers que septembre nous donne,
Alison l’argent à la main,
Alison prudente personne,
Appréciait les bienfaits de Pomone
Avec un œil sûr, économe et fin.
Mille paniers rangés avec adresse
Charmaient les yeux par leur éclat divers ;
Mais cette rue enchanteresse
Cachait des fruits gâtés ou verts,
Que des marchands la malice traîtresse
Au second rang tenait clos et couverts :
Couverts de fleurs; c’est ainsi qu’on en use
Par tout pays en ce siècle pervers.
Montrez-moi dans tout l’univers
Un lieu que n’assiège la ruse.
Alison voit le piège, elle le voit fort bien ;
Partant elle n’achète rien,
Et s’en retourna les mains vidés,
Détestant des vendeurs les astuces perfides.
La pauvre fille, elle pleuvait
De ne pouvoir porter à soit bon maître
Le beau dessert qu’il espérait.
Un sage par hasard était à sa fenêtre ,
Observant les passants peut-être ;
Il la voit, il descend, lui demande pourquoi
Elle se trouve en tel émoi.
Alison raconte sa chance.
Lors le vieillard : Allez, ma belle enfant,
Ayez toujours même prudence :
Mais reprenez votre air content;
Retournez au patron que vous chérissez tant;
Dites-lui de ma part, qu’au commerce des hommes
Il apporte l’attention ,
L’examen, la précaution.
Que vous mettez à marchander des pommes.
Il vous remerciera, j’en serais caution ,
Pour peu qu’il ait la tête bonne.
Cette leçon vaut bien tous les fruits de l’automne.

Livre I, fable 17




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