Le Pigeon veuf Fortuné Nancey (? - 1860)

Un pigeon était veuf ; on sait que la constance
Est chez ce peuple ailé, grandement en honneur.
Quoi d'étonnant alors que lui., d'une alliance
Qui bien long temps avait fait son bonheur,
Il trouvât bien doux charme à garder souvenance !
Rien à ses yeux ne pouvait remplacer,
Sa bien-aimée à jamais descendue
Dans la tombe où chacun à son tour vient verser ;
Même après de longs jours son âme était tendue
Vers celle qu'il avait perdue,
Que mille souvenirs savaient lui retracer.
El le culte qu'à sa mémoire
Il vouait ainsi chaque jour,
Était la dernière victoire
Que put remporter son amour.
Car si de tout le temps console
Il laisse au moins au cœur blessé
Ce charme du retour sur un bonheur passé.
Aussi que vainement une amante frivole
Venait le convier à de nouveaux serments,
Il détournait les yeux, car pour une autre idole
Son âme n'avait plus d'encens.

Que dans le monde on voit peu de veuvages
Inspirer de pareils regrets !
Mais au lieu que l'argent en règle les projets,
Laisser les cœurs former les mariages,
Et d'autres nœuds auront d'autres effets.

Livre III, fable 4




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