Riches ! qui, dans votre opulence,
Ne songez qu'à remplir vos désirs insensés,
Et qui jamais ne balancez
Les droits sacrés de l'indigence
Sur ces biens que vous entassez ;
Sachez qu'envers les misérables,
De tous ces trésors superflus,
Le Ciel vous a rendus comptables,
Et frémissez des maux dont vos cruels refus
Peuvent accabler vos semblables ;
Si vos cœurs, durs et corrompus,
De frémir pour autrui font encore capables.
Un de ces malheureux, en bute aux coups du fort,
Qui, dans le sein de nos superbes Villes,
Manquant d'aliments et d'asyles,
N'ont que le choix du crime ou de la mort,
Pour terminer fon affreuse carrière,
Avait préféré la dernière.
Mais ce qui répandait plus d'horreur fur les jours :
Ils étaient quatre misérables
Lui, fon épouse et deux enfants aimables ;
En vain il a partout mendié du secours,
Les hommes impitoyables
A ses cris ont été sourds.
Il retourne chez lui, le désespoir dans l'âme;
Et trouve, mourant de faim,
Ses deux enfants et sa femme
Qui lui demandent du pain.
A cet aspect, l'époux, le père,
Que la pitié rend inhumain,
Maudit les Hommes, le Destin,
D'un poignard il arme sa main
Se précipite sur la mère,
Et le lui plonge dans le sein ;
L'en retire, et frappe soudain
L'aîné ; le lève fur fon frère,
Qui lui criait, en se roulant par terre :
Ah ! mon pipa ! je n'ai plus faim.

Fables et contes dédiés a Son Altesse Impériale Monseigneur le Grand Duc, Livre I, Fable XX




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