Deux chiens depuis long-tems servaient un commun maître ;
L'un d'eux se fit aimer en se faisant connaître,
Il était doux, fidèle et des plus caressants ;
L'autre, hargneux, n'aimait que le désordre,
Agaçait tout, chiens, chevaux et passants,
N'importe quoi, pourvu qu'il eût à mordre,
Il revenait bien souvent du combat
Éreinté, tout sanglant, l'oreille déchirée,
La langue ardente et la vue égarée,
En un mot, dans un triste état.
Toujours son compagnon, léchant quelque blessure,
Aidait à la guérir : mais par quelle aventure
Lui dit un jour ce méchant animal,
N'as-tu jamais le moindre mal ?
Tu fais partout le bon apôtre,
Nul ne t'en veut, c'est toujours à quelqu'autre ;
A mes dépens surtout on se croit tout permis...
Parfois on fait du mal à qui veut nous en faire ;
Cesse de mordre et sache un peu te taire,
Tu n'auras plus que des amis.