Certain fermier grossier, très méchant citoyen,
Au dire de chacun, véritable vaurien,
A tout trouvait à redire :
Son garçon de labour n’était qu’un triste sire;
Ses bœufs n’étaient pas forts, et son cheval boitait ;
Son brave père radotait ;
Ses fils n’apprenaient rien chez le maitre d’école ;
Sa fille devenait frivole.
Voilà ce qu’il disait du matin au soir.
Sans jamais faire entendre une douce parole
Il allait répétant : « Nul ne fait son devoir,
Hélas ! chez moi, chacun veut agir en vrai maître !
J’ai beau me démener, chacun va son chemin,
J’ai cependant le droit de commander enfin !
Certes, je suis le chef, l’on doit le reconnaître ,
Je ferai tout plier sous mon commandement !
Oui, je veux que tous promptement
Fassent sans hésiter ce que le maître ordonne.
Que l’on résiste encore aux ordres que je donne ! »
Mais notre villageois lit tant, tant et si bien,
Qu’il irrita jusqu’à son chien :
Un beau jour, celui-ci déserta le village,
Et dès lors vécut en sauvage.
Le fermier vit ses fils délaisser sa maison,
Sa femme en perdit la raison
Et refusa tout net de faire le ménage.
Avant la fin de la saison,
Son garçon de labour, le trouvant trop farouche,
Le quitta l’injure à la bouche.
Bref, le pauvre fermier, abusant de son droit,
A la fin se trouva lui tout seul sous sontoit.
Il reconnut trop tard que lorsqu’on est le maître,
Notre droit constamment ne doit pas apparaître,
Car sitôt que le joug pèse trop lourdement,
On le rejette promptement.