Le Villageois et son lard Honoré Antoine Richaud-Martelly (1751 – 1817)

Un Villageois, possesseur d'un cochon,
Se réserva le lard pour sa marmite :
Puis au garde - manger le renferma, dit-on,
Ne songeant point aux rats qui lui feraient visite.

Bientôt le lard fut entamé
Sans engraisser les choux du maître.
Au train de ce peuple affamé
Deux jours l'eussent fait disparaître.

Le Villageois s'avisa d'un bon tour.
Revenez-y, rats que l'enfer confonde !
Plus fin que vous est dans le monde,
Vous trouverez à qui dire bon jour.

Dans le garde-manger il fit avec adresse
Entrer un chat depuis trois jours jeûnant :
Garde mon lard, ami, je te le laisse,
Et fais la guerre à tout venant.

Bien attrapés furent les rats sans doute ;
Le soir de s'être mis en route,
Et d'être si vite accourus
Pour un morceau de lard qui n'était déjà plus :

À ses dépens heureux qui devient sage !
Le Villageois reçut cette leçon :
Tout étranger est chat dans un ménage,
Et finit bien souvent par manger le cochon.

Livre II, fable 8




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