L'Avare et l'Envieux Ignacy Krasicki (1735 - 1801)

Laissant là ses enfants, sa femme, son ménage,
Un Avare s'en fut avec un Envieux;
Jupiter déguisé voyageait avec eux.
Lorsqu'ils eurent tous trois terminé leur voyage,
Le dieu dit : « Je suis Jupiter;
Et si vous vouliez en douter,
Allons ! que l'un de vous me demande une chose,
Ce qu'il voudra, n'importe, il sera satisfait.
J'y mets cependant une clause :
J'entends que le don à l'un fait,
Profite au double à son confrère.... »
Là-dessus, c'est à qui ne commencera pas :
Pour eux, ouvrir la bouche est une grande affaire !
L'Avare à l'Envieux prétend céder le pas,
L'Envieux à l'Avare.... En ce débat risible,
Chacun au don promis paraît être insensible.
Rompant le silence à la fin,
NoU-e Envieux s'écrie : « Eh bien ! seigneur Jupin ,
Crevez un de mes yeux....! » Et, privé de lumière,
L'oeil aussitôt se ferme à la clarté des cieux....
Quel fut donc le profit d'une telle prière ?
Un œil de moins pour l'Envieux ?
Oui...! mais... l'Avare en perdit deux.

Livre II, fable 13




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