Le petit Rat et sa Mère Ignacy Krasicki (1735 - 1801)

Un Chat jouait avec une souris.
Messire Rominagrobis
Avec beaucoup de grâce et du bout de la patte
Sur le plancher la promenait,
La quittait un instant et puis la reprenait
D'une façon tout-à-fait délicate.

Un jeune Rat, à l'écart, dans un coin,
Le voyait folâtrer et l'admirait de loin.
« L'excellent animal ! disait-il en lui-même :
Il montre pour ma race une tendresse extrême :
Comme il est complaisant et rempli de bonté,
Il s'amuse avec nous ! j'en suis tout enchanté...! »

Ainsi parlait Raton, quand arrive sa mère,
Qui tremblant pour le sort d'une tête si chère,
Lui dit : « Fuis, mon fils, fuis ! cet animal, vois-tu,
N'offre à tes yeux charmés qu'une fausse vertu :
De la douceur il n'a que l'apparence,
Tandis qu'au fond il est très-malfaisant !
Évite-le toujours, si tu crois ma prudence,
Cai' rien n'est plus perfide...., il mord en caressant...! »
A peine elle avait dit, l'animal hypocrite,
Fatigué de jouer, dévore la souris
Et Raton détrompé, redoutant d'être pris,
Se soustrait au danger par une prompte fuite.

Ah ! qu'une mère est un bien précieux !
Sur sa progéniture elle a toujours les yeux;
Son tendre coeur entoure notre enfance
Des leçons de l'expérience,
La forme à la vertu, lui révèle les deux...!
Oui, la femme est pour l'homme une autre providence
C'est le plus beau présent des dieux !

Livre IV, fable 20




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