Le jeune Rat et le Chat Joseph Reyre (1735 - 1812)

Nouvel habitant de ce monde,
Ignorant le mal et le bien,
Ou plutôt ne sachant encore rien de rien,
Un jeune rat de sa niche profonde
Etant sorti pour la première fois,
Vit de loin en faisant sa ronde,
Un chat perfide et fin matois,
Qui, sous un air de bonhomie,
Cachant sa noire perfidie,
Ne songeoit qu'à gripper les rats
Que le hasard pourrait amener sur ses pas.
Le raton point ne s'en défie.
Eh! qui s'en seroit défié?
A voir sa feinte modestie,
A voir son air sanctifié,
Et son maintien de chattemite,
Vous l'eussiez pris pour un ermite,
Vous l'eussiez béatifié.
Ainsi pensa du moins notre jeune novice.
O l'aimable animal! dit-il en son jargon.
Qu'il a l'air doux ! qu'il paraît bon !
Il faut qu'avec lui je m'unisse ;
Je serais bien heureux de l'avoir pour ami.
A ces mots le jeune étourdi
S'avance vers le chat : mais le vieux hypocrite,
Au regard doucereux, à la face bénite,
Prend un air, un maintien nouveau ,
Sur le pauvre raton s'élance,
Le gobe et n'en fait qu'un morceau.

Gardons-nous de juger des gens par l'apparence.

Livre I, fable 9




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