Certain Renard fin Courtisan,
Avait su par mainte souplesse,
Gagner le cœur et la tendresse
De Sire Lion ; autrement
Peut-on des Grands capter la bienveillance ?
Celui-ci comme Roi soutenait bien son rang
Bien mais pas trop suivant ce que j'en pense.
Aux maux de ses Sujets tranquille, indifférent,
Les plaisirs en toute occurrence
Etaient son unique élément,
Maître Renard Sujet intelligent,
Et sujet chéri de son maître,
Faisait la pluie et le beau temps.
Le Singe un jour pour quelques tours plaisants
Fut obligé de comparaître ;
Il avait, disait- on, mal parlé de son Roi,
Et plaisanté sa majesté Lionne.
Sire, dit le Renard, vous vous fiez à moi,
Je prends foin de votre personne.
Le Singe est un perturbateur,
Il émeut les esprits, ou " murmure ou raisonne...
Ce qu'il dit contre vous me fait frémir d'horreur,
Allons, voyons, qu'on m'éclaircisse,
Dit le Lion, le Singe est accuse ;
S'il est coupable il faut qu'on le punisse,
On l'examine, et tout bien compasse
Sa faute toit une faute légère
Dont on avait trop grossi les objets ;
Mais sur ce point toujours on exagère.
Le bien a cela de contraire
Qu'on ne l'exagère jamais,
Plus souvent on le diminue.
Le Léopard, ministre vigilant,
Ministre du Lion, avait toujours en vue
Le bien du peuple et le sien nullement ;
O, la merveille
Sans pareille !
Un beau matin le Roi dit à son Courtisan,
Comment donc ! Léopard a donc bien du mérite ?
Le bruit commun dit qu'il s'acquitte
De sa charge on ne ssaurait mieux,
Désintéressé, populaire
Chacun pour lui forme des vœux.
Vous ne répondez rien ? Sauriez -vous le contraire ?
Sire, répliqua le Renard,
Vous voulez que je parle en courtisan sincére ?
Je pense qu'on en prête à Seigneur Léopard ;
Sur le cri de la populace
On ne doit pas juger du mérite des gens :
Votre Ministre tient sa place
Assez bien... oui... mais... bon : Je vous entends,,
Reprit le Lion, et j'augure
Que quand on peint le mal on ne néglige rien,
Pour le représenter bien plus grand que nature ;
Mais quand on veut peindre le bien
C'est toujours en miniature.