Les deux Chiens Jacques Peras (18è)

Un jeune Dogue, vrai Forçat,
Se lamentait sur son état ;
Ah ! disait-il, quelle chienne de vie !
On me captive, on m'enchaîne, on me lie,
Eh pourquoi ? l'ai-je m rite ?
Mal nourri, point de liberté,
Nul accueil et nulle caresse,
Pas même des Valets de Cour.
Ne pourrai-je pas quelque jour
Me décharger du fardeau qui m'oppresse ?
Non, je crois que la mort
Est mon seul réconfort.

Par cas fortuit, assez près de sa loge,
Passa certain Gredin, bien choyé, bien nourri
Qui de Madame était le Toutou favori ;
Il s'en approche et l'interroge.
Mais es-tu fou ? s'adressant au Doguin
Sitôt commençant ta carrière,
Tu voudrais toucher a ta fin ?
Tu te déplais donc bien sur terre ?
Tu n'as pas fix mois accomplis,
Et moi qui peux compter bien douze fois ton âge
Je ne fais que de naître, à ce qu'il m'est avis.
Ton air content n'a rien qui me foulage,
Répliqua le Doguin, sans cesse je languis,
Je me sens dévoré des chagrins, des ennuis
Où la rigueur du fort me plonge.

La vie est courte, et ne paraît qu'un songe
A qui tout vient au gré de ses désirs ;
Mais elle est bien trop longue à qui n'a nuls plaisirs.

Livre II, fable 12




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