Le Singe et la Toilette Jacques Peras (18è)

Zaïs, précieuse Coquette,
Après avoir peint ses attraits,
Sortit, et sans le faire exprès,
A Dom Bertrand confia sa Toilette.
Le peuple Singe est très imitateur,
On en peut dire autant du peuple Auteur
Bertrand, se voyant seul, va de gaieté de cœur
S'asseoir dans le fauteuil de sa chère Maitresse,
Et fuit de point en point tout ce que l'art prescrit,
D'abord il prend avec adresse
Un peu de blanc, s'en barbouille et sourit.
Comment sourit un singe ? en faisant laide moue ;
N'importe. Ensuite il prend du vermillon
Dont il se frotte chaque joue,
Puis toujours sur le même ton
Il s'applique une large mouche,
Et de pommade de Jasmin
Sar son chef étend une couche :
Bref, Dom Bertrand jusqu'à la fin,
De Zaïs suivant la coutume,
Par tout se plâtre et se parfume.
Notez que tout fut fait à l'aide du miroir
Zaïs revient, et surprise de voir
Un Singe en pareil équipage,
Elle éclate de rire, et n'y peut plus tenir.
Bertrand gravement l'envisage,
Et lui dit ; mais bientôt on vous verra finir ?
Je vous parois d'un ridicule extrême,
Quoi ! parce que je fuis fardé ?
Vous ne l'êtes pas moins, le fait est décidé ;
Jugez maintenant de vous-même.

Livre II, fable 13




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