Sun le bord d'un marais profond
Une brebis paissant chancelle, d'aventure,
Et tombe au fond.
Pour éviter qu'il fût sa sépulture ;
Contre l'épais limon s'agite tout son corps ;
De ses pieds la vase est battue,
Jetée en l'air, à droite, à gauche répandue :
Elle écarte par ses efforts L'obstacle de l'herbe gluante.
Indignée, en fureur, la troupe coassante
Crie à-la-fois jusqu'aux éclats
Est-il bête plus turbulente ?
Eh ! pourquoi donc de nos états
Détruire ainsi la beauté verdoyante ?
On le voit à votre fracas,
Notre séjour point ne vous tente ;
Ma mie, en vérité, vos sens sont délicats :
Chacune est née ici, chacune y vit contente.
Pardon, si, pour quitter cet empire bourbeux !
Répondit la brebis, je fais ce que je peux ;
Mesdames, comme vous, moi, je n'y suis pas née.
C'est pour ceux qui malaisément
Souffrent qu'à soi l'on ait un goût, un sentiment,
Que cette fable est destinée.