L'Éléphant et le Levraut Jean-Jacques Boisard (1744 - 1833)

Quarre fait à Jupin avant que d'être né:
D'ennemis en naissant je fuis environné.
Jeté dans l'Univers sans armes, sans défense,
À la merci de tous je suis abandonné...
Qu'on est malheureux quand on pense !
Tandis que l'Éléphant armé jusques aux dents,
Et de sa seule massle épouvantant les gens,
Mange, boit, dort en assurance,
Je vis hélas ! ainsi qu'il plaît aux Dieux :
Toujours l'oreille au guet, jamais fermer les yeux
À tout moment nouvelle transe.
C'est ainsi qu'un Levraut déplorait ses malheurs,
Quand un cor résonna dans la forêt voisine.
Il détale au plus vite. Éloigné des Chasseurs,
D'un œil jaloux il examine
Un Éléphant
Contre un cèdre appuyé dormant paisiblement.
Mais voilà que l'appui sous la masse succombe :
L'arbre à demi coupé se rompt, l'Éléphant tombe.
Entouré tout-à-coup des perfides Veneurs,
Le Géant {e réveille étonné de sa chute,
Pousse un profond soupir et se rend aux vainqueurs :
Témoin de l'énorme culbute,
Notre Levraut pour lors remercia les Dieux
De l'avoir fait petit, agile et soupçonneux.

Livre II, fable 15




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