J'ai peint Fanfan ingrat envers Pérette,
Pérette qui l'avait nourri ;
Je l'ai peint dédaignant Colas pour son ami,
Et logeant la fierté déjà sous sa bavette.
Fanfan grandit ; et malgré les avis
De Cloé, mère tendre et sage,
Son orgueil s'accrut avec l'âge :
Le fripon insultait tous les gens du logis.
Que fit Cloé pour corriger son fils ?
Cloé par un adroit mensonge
Vint à bout de changer son cœur.
Mon fils, dit-elle un jour, apprenez le malheur
Où le juste destin vous plonge :
Vous n'êtes point à moi ; Pérette et son mari
Ont trompé tous deux ma tendresse ;
Ce secret vient d'être éclairci.
De vous sacrifier ils ont eu la faiblesse.
Soit amour pour Colas, soit toute autre raison :
Soit l'espoir de tirer quelque jour avantage
Des trésors usurpés par vous dans ma maison,
Ils vous ont fait changer de nom,
D'habit, d'état et d'héritage.
Mais enfin le remords a dévoilé l'horreur
De leur détestable artifice :
Colas est mon enfant et vous êtes le leur.
Je retire mon fils des mains de sa nourrice ;
Il va rentrer aujourd'hui dans ses droits,
Et vous allez partir : votre orgueil en murmure,
Adieu, je sentais bien, Colas, que la nature
Dans mon âme pour vous n'élevait point sa voix.
Fanfan troublé, muet, l'œil fixé sur sa mère,
A ce nom de Colas laisse couler des pleurs.
Cloé tournant les yeux ailleurs,
Pour pouffer jusqu'au bout l'affaire,
Tient ferme, le dépouille, et lui met les habits.
Qu'il devait porter au village.
Mille sanglots alors échappent à son fils,
Les pleurs inondent son visage ;
Il parle enfin : Maman, que vais- je devenir ?
Mal vêtu, mal nourri, fils du paysan Pierre,
Je ferai malheureux... Oui, Colas, mais qu'y faire ?
Le ciel de votre orgueil a voulu vous punir.
Colas, vous méprisiez mon fils et votre mère
Vous traitiez durement tous ceux que la misère
Pour subsister oblige de servir ;
Vous allez apprendre à les plaindre.
Vous voyez qu'au sein du bonheur
Les retours du fort font à craindre :
De vos cruels dédains reconnaissez l'erreur.
Si mon fils allait vous les rendre ?
S'il allait à son tour.... Fanfan n'y tenant plus,
Tombe aux pieds de Cloé, désespéré, confus,
La conjure de le reprendre.
Je servirai, lui dit-il, votre fils ;
Je le respecterai, je lui ferai soumis.
C'en fut assez pour cette sage mère,
Qui se sentait trop attendrir :
Elle embrassa son fils, quitta cet air sévère,
L'appela par son nom, loua son repentir,
Et déformais eut lieu de s'applaudir
De cette leçon salutaire.