On raconte qu'un jour le souverain des cieux,
Jupiter, affligé des cris de l'indigence,
Qui, non pas sans raison, se plaignait que les dieux
Avaient, aux riches seuls, accordé la puissance,
Les honneurs, les plaisirs, ainsi que l'abondance,
Résolut, par un don de sa munificence,
D'adoucir les rigueurs d'un sort si douloureux.
C'est trop vraiment, dit-il, de pouvair, sans mesure,
Donner non-seulement couronne, dignité,
Mais encor le plaisir que, pour l'égalité,
Semblait avoir fait la nature.
Fortune répondit : en m'ôtant le plaisir
Ma puissance sera bientôt anéantie !
Qui désormais, à moi, daignera recourir,
Si je ne puis offrir le doux miel de la vie ?...
Eh bien reprit Jupin, les plaisirs te suivront ;
Tu le veux, j'y consens ; je cède à ta prière.
Mais, telle est du destiu, la volonté dernière :
Toujours à ton aspect les désirs s'éteindront !!
La déesse sourit, soupçonnant que le maître
Avait, dans ce moment, par trop bu de nectar ;
Et fière d'un succès dont le sort lui fait part,
Elle pensa des siens assurer le bien-être.
Croit-il me faire tort, dit-elle, ingénument,
En augmentant mes droits et ma prérogative ?
Il faut être, ma foi, sans imaginative, pour agir si légèrement.
Plus que jamais, je dois me flatter de l'hommage
De tous ceux qu'ont séduits mes charmes attrayans,
Puisqu'à peine formés les veux les plus ardens,
Jouiront aussitôt de l'immense avantage
De se voir exaucés dans les mêmes moments.
Un chacun prévoit bien sans doute,
Ce qui promptement arriva :
L'expérience, en peu de temps, prouva
Que la fortune n'y voit goutte.