Le Pommier dépouillé Jean-Louis-Marie Guillemeau (1766 - 1852)

Couvert de fruits délicieux,
Un pommier fier de sa richesse,
Jetait un regard dédaigneux
Sur les arbres de son espèce.
J'ai des amis aussi sûrs que nombreux,
Disait-il, dans sa folle ivresse ;
Car de me visiter seraient-ils curieux,
S'ils n'éprouvaient pour moi la plus vive tendresse.
En effet, on voyait à chaque instant du jour
Quelqu'un de la maison lui faire une visite ;
Moins pour rendre, il est vrai, justice à son mérite
Que pour lui jouer quelque tour.
Enfin, avec l'été les beaux jours s'envolèrent
Et l'arbre fut abandonné ;
Dépouillé de ces fruits dont il était orné
Tous les courtisans s'éloignèrent.

Aux erreurs de l'orgueil, cessant d'être soumis,
Il s'écria guidé, par son expérience :
« Quand j'étais riche, hélas ! je n'avais point d'amis,
Puisque je n'en ai plus tombé dans l'indigence. »

Livre IV, fable 15




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