Quand, en se prolongeant, vers le déclin du jour,
L'ombre de chaque objet dessine le contour,
Quand, du sommet des monts, le soleil sur la terre
De ses derniers rayons verse à flots la lumière ;
Que dans leurs nids se cachent les oiseaux,
Qu'à l'étable rentrent les troupeaux,
Et qu'à pas lents regagnant sa chaumière
L'homme des champs interrompt ses travaux,
A cette heure silencieuse,
La méditation grave et religieuse
Plane sur l'univers, s'élève au haut des cieux
Vers celui qui remplit et les temps et les lieux.
Dans le sein de la paix mon âme recueillie
Aime à goûter ce spectacle imposant ;
Aux charmes de la rêverie
Je m'abandonne en méditant.
Pendant l'automne, alors, errant dans mon parterre,
A chaque fleur je donne le bon soir :
« Oui, demain, chères fleurs, je reviendrai vous voir. »
Il en est une que ma serre
Pendant l'hiver me conserva,
Qu'au printemps maître Pierre ensuite a mise en terre.
De l'Inde elle nous vint ; son nom est datura,
Et du titre d'arborea
Elle reçut l'honneur à raison de sa tige.
Par sa magnificence elle tient du prodige.
Son port est noble, grave et plein de majesté ;
Dans la pompe qui le décore,
Le datura semble, au temple de Flore,
D'un sacerdoce avoir la dignité.
Son épais et large feuillage
Le couvre jusqu'aux pieds d'un ample vêtement ;
De sa superbe fleur le calice charmant
D'un vase renversé me présente l'image.
Ces calices groupés en énormes faisceaux,
Avec une grâce élégante,
Tombent du sommet des rameaux ;
A mes regards leur blancheur éclatante,
Symbole aimable et respecté,
D'un cœur pieux et droit dépeint la pureté.
Est-ce la coupe où la déesse
Qui préside au règne des fleurs,
Du nectar immortel, dans une sainte ivresse,
A longs traits goûte les douceurs ?
Le vase exhale encore un parfum d'ambroisie,
Et l'atmosphère au loin en est remplie.
La noble fleur, le soir, au moment solennel
Où se recueille la nature,
Verse les flots de cette odeur si pure,
Comme un encens répandu sur l'autel.
On dirait qu'à l'heure dernière,
Pour le bienfait de la lumière
Rendant grâce à l'astre du jour,
Elle exhale en lui son amour.
Ah ! puisse aussi, sur le soir de la vie,
Par la vertu ta vieillesse embellie,
Comme le datura, de nouveau s'animer,
Du pur amour se parfumer,
Verser tout à l'entour une douce influence,
Du bien encor exercer la puissance,
Et reportant ton âme au sein de son auteur,
Pour toi du dernier jour faire un jour de bonheur !